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La Suisse fait face à l’érosion de la demande mondiale

En abaissant ses prévisions de croissance mondiale à 3,3% en 2012 et 3,6% en 2013, le Fonds monétaire international confirme de sombres perspectives que seuls les cours de bourse semblaient encore ignorer. Entre les risques de la «falaise budgétaire» américaine (-5% de PIB en 2013!), une récession qui frappe toujours l’Europe de Londres (-0,3%) à Athènes (-6%) et avec l’Asie qui donne des signes d’essoufflement,  «il n’y a plus de locomotive régionale», comme le constate Olivier Cadot, le directeur de l’Institut Créa à Lausanne. Ce à quoi il ajoute: «Et il n’y a pas non plus de locomotive technologique.» Face à ce constat, la Suisse qui, en dépit du choc du franc fort, faisait figure d’exception va-t-elle être à son tour aspirée par la crise? Les principaux instituts de prévisions économiques viennent en tout cas de revoir à la baisse leurs prévisions de croissance pour 2012, rejoignant en cela EconomieSuisse et l’Institut Créa qui, dès avant l’été, anticipaient respectivement 0,8% et même 0,3% de croissance. L’institut bâlois BAK est passé d’une prévision de croissance de 1,5% à 0,9% pour 2012 et le Secrétariat d’Etat à l’économie (Seco) est à peine plus optimiste avec 1%. Le KOF de l’Ecole polytechnique de Zurich, qui tablait en juin sur 1,2%, prévoit maintenant 0,9%. Pour 2013, ces trois institutions sont un peu plus optimistes avec le retour d’une croissance au-dessus de 1%.
La Chine freine sur les biens d’équipement
Logiquement, dans un contexte marqué par un très net ralentissement du commerce mondial des biens (+2,5% cette année selon l’Organisation mondiale du commerce après +5% en 2011 et +13,9% en 2010), ce sont les secteurs d’exportation qui accusent le plus le coup. «Les exportations horlogères demeurent fortes», relève Cristina Gaggini, la directrice d’EconomieSuisse en Suisse romande. «Cependant, il y a un effet de stocks et on commence à entendre certains sous-traitants dire que les commandes des marques diminuent.» Le secteur le plus exposé est toutefois celui des biens d’équipement. «Ces entreprises avaient pu maintenir leurs carnets de commandes en luttant contre les effets du franc fort en ramenant leurs marges à zéro et en se diversifiant vers les marchés en forte croissance d’Asie et d’Amérique latine», explique Alain Riedo, le directeur de la Chambre de commerce de Fribourg. Comme lui, Christophe Nicolet, le CEO de Felco, et Jean-Luc Favre, celui d’ABB Sécheron, font cependant le constat que maintenant c’est la demande qui diminue. «Nos revendeurs européens consomment leurs stocks actuellement tandis qu’aux Etats-Unis c’est le franc qui fait mal», précise Christophe Nicolet. A ces problèmes, les exportateurs suisses voient s’ajouter une inquiétante diminution du rythme de croissance en Chine, qui fait dire à Bernard Rüeger, président de l’entreprise éponyme, que «la reprise sera faible en 2013 en Asie aussi». Au KOF, Andrea Lassmann, l’économiste en charge du commerce extérieur, en mesure déjà les effets. «Les exportations réelles vers la Chine ont ralenti de 8% (sur une base annualisée) au premier semestre 2012 par rapport au semestre précédent.» Elle ajoute: «Le recul de la demande est général, que ce soit pour l’Asie, l’Amérique latine comme les pays de l’OPEP.»
A Neuchâtel, chez Pasan, la filiale du groupe Meyer Burger qui s’est construit un quasi-monopole dans la mesure et la certification de la qualité des panneaux solaires, le CEO Andréas von Kaenel confirme: «Il y a de l’inquiétude chez nos interlocuteurs chinois.» Il donne cependant une explication inattendue à défaut d’être rassurante. «En trois ans, les entreprises chinoises sont passées de 3 à 60% du marché mondial du photovoltaïque. Du coup, certaines entreprises occidentales ont déposé des plaintes pour concurrence déloyale. Elles ont abouti aux Etats-Unis avec à la clé des tarifs à l’importation allant de 30 à 250%. Début septembre, une procédure identique a été engagée en Europe.» Une forme de durcissement protectionniste s’ajoute aux conséquences de ce que Jean-Luc Favre décrit à la fois comme la fin du supercycle d’investissements chinois et l’émergence de nouveaux concurrents venus de ce pays dans les biens d’équipement. Présent au dernier sommet du WEF à Tianjin, le CEO de Wisekey, Carlos Creus Moreira, nuance: «Il y a un net arrêt dans l’immobilier chinois mais c’est aussi une opportunité. Les investissements sont redirigés vers la technologie, en particulier internet. La Suisse apparaissant comme un hub mondial en matière de cybersécurité, c’est une chance pour nous.»
Une surprise dans le chapeau de Franz Weber
Les entreprises suisses occupant souvent des niches de marché très spécialisées et de plus en plus high-tech, elles sont donc, malgré des difficultés réelles (Carlos Moreira cite l’impossibilité d’obtenir des crédits bancaires sur la base de contrats à l’export) toujours capables de s’adapter. «On le voit au niveau de l’emploi, reprend Cristina Gaggini, avec un très faible recours au chômage partiel.» Ce à quoi Guy-Philippe Bolay, le directeur adjoint de la CVCI, ajoute: «D’une certaine façon le choc du franc fort a préparé nos entreprises à être encore plus innovantes et compétitives.» Dure mais gérable sur le front des exportations, la situation de l’économie suisse reste plus favorable sur le front domestique. Là, non seulement la consommation a surpris à la hausse le Seco, mais, à en croire le KOF, la construction pourrait bien réserver une surprise. «L’initiative sur les résidences secondaires de Franz Weber a déclenché une vague sans précédent de demandes de permis de construire aussi bien de chalets que d’apparthôtels, note Dirk Drechsel, l’économiste en charge du bâtiment au KOF. Il y a là une énorme réserve de travail pour les deux ans à venir.»
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